« Je est un autre. »
Arthur Rimbaud
La relation de un-à-un pour les débutants
Plutôt qu’un exposé lourd ou sophistiqué et peu compréhensible, je voudrais essayer comme à mon habitude d’illustrer par l’exemple ce que je cherche à dire. Commençons aujourd’hui par saisir un « objet » tel que nous l’entendons en langage courant. Pourquoi pas au hasard une cuillère à soupe ?
Chacun de nous connaît l’utilité qu’elle a, ce sera bien plus simple. Pourtant dès qu’il sera question de pénétrer sa nature intrinsèque, nous aurons d’ordinaire deux approches distinctes, soit on affirmera que faite de matière, elle s’impose à nous, soit on supposera que nous avons d’abord conscience qu’elle existe, et que ce n’est qu’après que nos sens nous permettent de la vérifier.
Le pire dans l’affaire pour le raisonnement étant de mesurer qu’il n’y a aucun moyen psychique ou matériel de trancher ce dilemme … et qu’il n’y en aura pas ! Pourtant, juste à l’instant où nous réalisons, le caractère entier, ferme et définitif de cet empêchement, nous forgeons la réponse.
Elle saute au visage : c’est exclusivement par une relation qu’une génère l’autre. L’absolu est atteint dès lors qu’on le rejette. Notre cuillère à soupe n’existe pas en soi, pas davantage qu’une conception préalable d’où elle surgirait, sa représentation et son aspect tangible sont une réciproque.
Et ça marche pour tout, corps stables ou instables, organismes vivants, notions ou émotions, formes platoniciennes ou pensées de Pascal, pour l’Univers aussi. Le vrai n’est pas la chose, ni l’idée de la chose, ni l’idée de l’idée, mais la corrélation de l’idée à la chose, de la chose à l’idée : G ↔ œG.
En fait, presque pour tout, car il reste un sujet qui échappe à la règle : la première personne, qui est précisément dans l’incapacité de s’autodésigner. Bouclée sur elle-même, la double flèche se muerait sur le champ en un cercle sans fin réduisant à néant au sens propre du terme l’auteur et l’énoncé.
Donc, pour que je existe, on devra le lui dire. Ainsi la relation de un-à-un sera obligatoirement bâtie sur la reconnaissance égale, mutuelle et intersubjective de l’autre par soi-même, unissant par un acte concret et volontaire deux entités précaires forcément singulières qui s’identifieront.
Nota : l’illustration « Les yeux de l’esprit » en tête de cet article est un photomontage réalisé à partir de la nébuleuse de l’Hélice (NGC 7293).
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2 commentaires:
De la part de Jean-Luc Ayoun :
Je est antérieur à toute création.
Ainsi qu’il est indiqué dans l’article, "je" ne peut se désigner lui-même sauf à être immédiatement réduit à néant. Par voie de conséquence, énoncer comme vous le faites qu’il est antérieur à toute création, revient à affirmer sa préséance sur le reste, et cela ne se peut car la seule temporalité que nous vivons est celle du présent. Rien et tout étant simultanés, cela signifie que "je" n’existe qu’à travers "nous".
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